Le numérique dans les pratiques juridiques, à quand?
La révolution numérique a déjà profondément changé l'économie et, avec elle, c’est toute la société qui s’est transformée. Aujourd’hui, les relations se digitalisent et nous interagissons de plus en plus sur des réseaux en ligne et des applications mobiles qui nous relient instantanément à travers le monde.
Demain, la 4ème révolution industrielle qu’on prédit depuis le sommet de Davos cette année promet une imbrication sans précédent du digital au monde physique qui créera des systèmes « cyber-humains » où la frontière entre le réel et virtuel deviendra de plus en plus fine, et cela toutes les sphères de la vie[1]. Pour s’en convaincre, il suffit de voir le phénomène Pokémon Go, qui allie virtuel et réel, faisant déplacer des foules de gens dans des espaces réels au moyen d'applications mobiles ajoutant une couche virtuelle à travers un écran.
Si internet et les technologies bouleversent nos modes de vie mais aussi tout le fonctionnement des entreprises et l’organisation au travail, qu’en est-il de leur impact sur les pratiques juridiques ? Le monde juridique n'a pas fait la 3ème révolution industrielle. Les cabinets d'avocats n'ont pas ou peu profité des opportunités technologiques et numériques durant les dernières trois décenies. On se questionne encore dans le droit sur les manières d'intégrer le numérique : Quelle digitalisation pourrait aider la relation l’avocat - client ? Comment les avancées informatiques pourraient améliorer le fonctionnement des cabinets d’avocats ? Le cloud pourrait-il contribuer à rendre plus simple et plus efficace la gestion de dossier, et comment ?
"Alors que les rapports changent radicalement dans l’économie, dans la société et dans la vie grâce à la technologie, et cela à une vitesse vulgurante, la question de les intégrer dans les pratiques juridiques devient plus qu'importante que jamais."
Tessa Manuello, créatrice neojustice
Aujourd’hui, il ne faut plus se méprendre sur nos nouvelles habitudes de vies : nous sommes surfons tous en ligne, passons commande sur internet et suivons même instantanément la progression de la livraison des produits et services que nous nous sommes procurés. Parfois, nous les recevons même instantanément dans notre boite courriel. Il n'en est rien du monde juridique où l'avancement des dossiers est complexe, long et laborieux.
Face à un problème juridique, les individus se trounent aussi vers le numérique, tentant de mieux comprendre leurs droits sur internet sans nécessairement passer par un avocat. Des entreprises ayant compris les attraits d'internet se sont mises à offrir des services d'automatisation en ligne de documents juridiques et de règlements des litiges en ligne. Ces phénomèmes numériques iront grandissants dans le droit, dit-on. D’ici les prochaines années, l’automatisation en ligne des services juridiques a éét identifié comme la tendance plus importante[2].
Avec le décrochage judiciaire que connait le Canada depuis 30 ans environ, n'est-il pas raissonable de croire que l'absence du numérique dans les pratiques juridiques ait pu contribuer au désintérêt pour la justice ? Le décrochage judiciaire est un phénomène que l’on constate au Canada depuis 30 ans environ. Étonnamment, la révolution internet a débuté au même moment.
Des études récentes font état d'un véritable décrochage « judiciaire » au Canada. Le nombres de problèmes juridiques portés devant les tribunaux diminue chaque année un peu plus. Mais bien plus que le désintérêt vers les tribunaux, c'est tout un décrochage « juridique » que l'on constate. Les études démonrent que la vaste majorité des problèmes juridiques des canadiens ne sont pas non plus portées devant les professionnels du droit non plus.
Au Québec, le nombre de dossiers ouverts devant les tribunaux diminue un peu plus chaque année, et cela depuis plus de trente ans. Entre 1977 et 1999, on constate une baisse de 115,713 dossiers ouverts, soit une baisse équivalente à 43.7%[3]. Au Canada, le nombre de problèmes juridiques portés devant les professionnels du droit baisse aussi. Ab Currie, dans la recherche empirique qu’il a réalisée au Canada en 2009 en fait état : « Finalement, les répondants ont eu recours à des services juridiques relativement à 9,2 % des problèmes justiciables avec lesquels ils ont été aux prises ». Et de conclure finalement qu’« en moyenne, les répondants ont demandé de l’assistance juridique pour 11,1 % de tous les types de problèmes. »[4].
Alors, serait-il pas temps, finalement, d’intégrer le numérique dans la justice pour "raccrocher" les gens et les entreprises au juridique ? Si les prédictions d’éminents économistes comme Klaus Schwab s’avèrent vraies, la prochaine révolution industrielle augmentera de façon exponentielle la présence du numérique dans toutes les sphères de notre vie. Les entreprises devront continuer à redéfinir leur rapports avec leurs clients, à repenser leurs systèmes et à s'adapter aux nouvelles habitudes de vie des consommateurs. Alors, si on ne veut pas que les gens continuent de se désintéresser de la justice, le milieu juridique ne doit-il pas aussi intégrer le numérique et les technologies ? Cela fin de s'adapter aux nouveaux modes de vie, d'offrir un meilleur service, et d'entretenir une relation cient de meilleure qualité.
Reste une denière question: Alors le numérique dans la justice, quand est-ce qu'on s'y met ? C’est ce que nous tâcherons de mieux comprendre le mercredi 28 septembre pour la conférence neojustice, là où se créent les nouvelles idées pour l’avenir de la justice. Le futur de la justice, ça se prépare maintenant, et avec vous !
Pour aller plus loin
Pour en savoir plus sur les tendances futures du droit et comment s'y préparer, visitez votre espace membre.
Si vous n'êtes pas membre neojustice, vous pouvez vous inscrire pour appartenir à la commnunauté neojustice.
Créatrice de Néojustice, Tessa Manuello est médiatrice accréditée et chercheuse associée au Groupe pour la Prévention et le Règlement des Différends (G-PRD). Elle détient plusieurs maîtrise en droit international, droits humains, et bientôt en prévention de règlement des différends de l'université de Sherbrooke. Forte de ses expériences professionnelles en cabinets d'avocats, dans un centre international d'arbitrage, en milieu communautaire et en recherche universitaire, elle s'intéresse aujourd'hui au numérique et aux technologies pour répondre avec créativité au besoin d'innovation dans la justice. C'est pour partager les savoirs sur l'avenir de la justice et inspirer qu'elle a co-fondé Néojustice, un forum où se créent les idées nouvelles pour l'avenir de la justice.
neojustice
Là où se créent les idées nouvelles pour l'avenir de la justice.
[1] Klaus Schwab, éminent économiste et fondateur du Forum Économique Mondial considère que nous sommes au début d’une 4ème révolution industrielle qui va amener des transformations sans précédent dans l’histoire de l’humanité et qu’il considère être la 4ème révolution industrielle. Voir Klaus Schwab, The Fourth Industrial Revolution, World Economic Forum, 2016.[2] Les tendances les plus importantes susceptibles de transformer la profession d’avocats d’ici les prochaines années, sont, par ordre d’importance, l’automatisation des services juridiques en ligne, la pression des clients sur les prix et le développement de nouveaux modèles de tarifications et de nouveaux modèles d’affaires. Voir Barreau du Québec Barreau-mètre 2015 La profession en chiffres, mise à jour, décembre 2015, p. 5, en ligne : <www.barreau.qc.ca>.
[3] Pierre-Claude Lafond, L’accès à la justice – Portrait général, Ed. Yvon Blais, 2012, p. 41.
[4] Ab Curie, Les problèmes juridiques de la vie quotidienne. La nature, l’étendue et les conséquences des problèmes justiciables vécus par la Canadiens, 2009, aux pages 65 et 70.