La créativité peut-elle sauver la justice?
La créativité, ce n’est pas seulement cette représentation romantique que nous nous faisons d’une œuvre artistique confectionnée avec talent par les peintres, les sculpteurs, les artistes compositeurs, les écrivains et les poètes. La créativité c’est aussi et avant tout un processus permettant de trouver et d’appliquer des solutions nouvelles, originales et capables de résoudre avec pertinence des problèmes complexes.
Les artistes ont toujours su répondre aux interrogations du jour, remettre en question les perceptions du monde et intégrer des regards nouveaux pour revisiter le passé et construire le futur. Les arts permettent de promouvoir la pensée créative; revisitent les certitudes y compris les plus ancrées; et construisent des ponts entre les cultures pour résoudre des complexités.
Dans son sens commun, la créativité se définit comme la « capacité, pouvoir qu'a un individu de créer, c'est-à-dire d'imaginer et de réaliser quelque chose de nouveau »[1]. Le Robert nous renseigne que pour être créatif il faut un « esprit inventif », c’est à dire un esprit qui « favorise la création »[2].
L’exercice d’imagination qui se situe au point de départ de la créativité permettrait de concevoir une nouveauté afin, ensuite, de la réaliser. Appliquée à des situations problématiques, la créativité permet d’imaginer et de mettre en œuvre des idées nouvelles qui améliorent ce qui existe déjà.
Créativité et justice sont deux mots qui ne semblent pas faire la paire. Pourtant, si la justice continue de connaitre des défis majeurs, c’est peut être - justement - qu’on devrait y mettre plus de créativité.
Comme l’expliquait le fondateur de l’université de Standord qui a été classée comme l'université la plus innovante au monde [3]: “L'imagination doit être cultivée et développée pour assurer le succès dans la vie. Un homme ne construira jamais rien qu'il ne puisse concevoir”, écrivait Leland Stanford dans une lettre envoyée à l'un de ses successeurs à la présidence de l'université de Stanford, David Starr Jordan.
Dans l’entreprenariat, ceux qui ont su utiliser ce pouvoir de créativité sont devenus les plus grands inventeurs de notre histoire. Leurs inventions ont non seulement révolutionné leurs industries mais ont sauvé leurs organisations.
Apple, co-fondé par Steve Job, était en situation de difficultés en 1996 face au géant Microsoft. Steve Job avait imaginé la créativité comme une tactique pour sauver Apple de la faillite. Au cours du dernier trimestre de 1996, les ventes d'Apple ont chuté de 30%. Microsoft était la société informatique dominante sur le marché. Steeve Job a décidé de faire un passage à une plus petite gamme de produits et de mettre plus d'attention autant sur la qualité que sur l'innovation. Un an plus tard, la société a réalisé un bénéfice de 309 millions de dollars. C'est donc par la créativité que Steve Job a sauvé Apple.
En 2006, le Forum économique mondial se tenait sur le thème de « L'impératif créatif ». Davos avait imaginé la créativité comme moyen de sauver l’économie de la récession. L’intention des organisateurs était de donner un point de départ à une nouvelle économie créative, afin que les entreprises ne se fassent plus seulement concurrence sur la qualité et les coûts mais sur l’innovation. La créativité était présentée comme la compétence à avoir pour assurer la croissance dans le futur. Pour en convaincre les CEO venus du monde entier, 22 sessions jamais vues auparavant se sont tenues sur des sujets alors inédits tels que "Building a Culture of Innovation", "What Creativity Can Do For You" et "Making Innovation Real". Par la créativité, Davos a sauvé l'économie.
Facebook a été créée en 2004 et est aujourd'hui le plus grand réseau social en ligne, et aussi le plus bel exemple du succès de l'economie créative. Mark Zuckerberg avait imaginé Facebook comme un moyen de sauver les gens de l’isolement. Mark Zuckerberg a rêvé d'un monde où chacun aurait une voix et où toutes les communautés se rapprocheraient par internet. Par l’innovation technologique et la créativité qu’il promeut dans son organisation, au delà de connecter les gens entre eux, il équipe aussi les régions qui n’ont pas accès à internet avec une connectivité plus forte. Par la créativité, Mark Zuckerberg a sauvé le monde de l'isolement.
Si la créativité a déjà sauvé le monde, dans les domaines des arts, des affaires et dans les technologies, pourquoi la créativité ne pourrait-elle pas sauver la justice ?
La justice continue de connaitre des problèmes de coûts et de délais qui mettent en péril l’accès à la justice et le respect de l’État de droit. Alors qu’aujourd’hui ces défis s'aggravent, c'est donc qu'il faut les relever autrement. Alors, oui, la créativité peut sauver la justice.
En recourant à la science de la créativité pour relever les enjeux de la justice du 21ème siècle, des solutions nouvelles peuvent être mises en place. Les acteurs de la justice ont déjà innové par la créativité. Par exemple, en instaurant les Conférences de règlement à l’amiable ou plus récemment en créant des sites internet tels que Petites-Créances.ca, dont les instigateurs sont conférenciers invités neojustice le 7 novembre 2016.
La médiation judiciaire est apparue au Québec dans les années 1980 avec l’instauration par le législateur d’un système de médiation judiciaire obligatoire en matière familiale[4]. Le champ de la médiation judiciaire s’est ensuite progressivement élargi à toute la justice civile et, en 2001, la médiation judiciaire a été introduite au Code de procédure civile sous le nom de Conférences de règlement amiable[5].
Petites-Créances.ca offre des services d’accompagnement à mi-chemin entre mandater un avocat et se représenter seul devant les tribunaux. Ses professionnels du droit offrent assistance, soutien et, selon les besoins, prennent en charge diverses étapes des dossiers. En moins de un an, le site a permis l'accompagnement de 12,000 citoyens partout au Québec pour leur assurer une sécurité et optimiser leurs chances de succès, cela pour un coût abordable.
Avec la créativité, chacun peut imaginer son idée nouvelle pour l’avenir de la justice et s'impliquer afin de la réaliser. Puisque la créativité réfère à un processus de résolution de problème permettant de dégager et d’appliquer des idées nouvelles, originales et pertinentes, y recourir dans le domaine de la justice pourrait contribuer à apporter le changement nécessaire et attendu des justiciables pour contribuer à un futur plus juste.
Et vous, êtes-vous prêt à sortir de l’idéal romantique de la créativité pour vous attaquer à résoudre des problèmes de la justice et en faire des opportunités de changement ? Dites-nous ce que vous en pensez.
Pour aller plus loin
Pour en savoir plus sur les tendances futures du droit et comment s'y préparer, en particulier sur les manières d'utiliser la créativité dans la justice, visitez votre espace membre.
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Pour assister à la conférence néojustice sur le thème : "Faire justice en dehors de la boîte" le 7 novembre 2016 à 17h30 à Montréal, vous pouvez réserver en ligne (places limitées).
Créatrice de Néojustice, Tessa Manuello est médiatrice accréditée et chercheuse associée au Groupe pour la Prévention et le Règlement des Différends (G-PRD). Elle détient plusieurs maîtrise en droit international, droits humains, et bientôt en prévention de règlement des différends de l'université de Sherbrooke. Forte de ses expériences professionnelles en cabinets d'avocats, dans un centre international d'arbitrage, en milieu communautaire et en recherche universitaire, elle s'intéresse aujourd'hui au numérique et aux technologies pour répondre avec créativité au besoin d'innovation dans la justice. C'est pour partager les savoirs sur l'avenir de la justice et inspirer qu'elle a co-fondé Néojustice, un forum où se créent les idées nouvelles pour l'avenir de la justice.
Là où se créent les idées nouvelles pour l'avenir de la justice.
[1] Centre de ressources textuelles et lexicales. En ligne : <http://www.cnrtl.fr/lexicographie/cr%C3%A9ativit%C3%A9>
[2] Le Petit Robert, 2016, en ligne.
[3] Reuters Top 100: The World's Most Innovative Universities - 2016, En ligne : http://mobile.reuters.com/article/idUSL2N1C406D#listing
[4] Richard J. McConomy, « La médiation en droit de la famille», dans Médiation et modes alternatifs de règlement des conflits : Aspects nationaux et internationaux, Association Henri Capitan (section québécoise), Jean-Louis Baudouin (dir.), Éditions Yvon Blais, Cowansville, 1997, aux pages 257-264 en particulier à la page 257.
[5] Ancien Code de procédure civile, articles 151.14 à 151.23. Voir Michel Robert, « La nouvelle façon de rendre la justice », dans Panorama des médiations dans le monde. La médiation, langage universel de règlement des conflits. Actes du colloque des premières assises internationales de la médiation judiciaire, Paris, 16-17 octobre 2009, GEMME – L’HARMATTAN, 2010, aux pages 180-181 en particulier à la page 180.